Las Vegas 1981 : Bleus, impairs et manques
Grosse pression sur les épaules de Jacques Laffite pour le dernier Grand Prix de la saison le 17 octobre 1981 : avec sa JS17, il est revenu dans la course au titre. Malgré un début de saison difficile, l'équipe 100% française, Talbot/Ligier/Matra/Michelin, a entamé une belle remontée. Et après sa magnifique victoire au Grand Prix de Montréal, son pilote fétiche est troisième au classement du championnat pilote. A six et cinq points des premiers, respectivement Carlos Reuteman sur Williams et Nelson Piquet sur Brabham, il doit absolument passer la ligne d'arrivée en tête...
« Tout le monde me mettait la pression car je pouvais être champion du monde, se souvient Jacques Laffite. Moi je sortais de la voiture je disais à Jean-Pierre (Jabouille, son ingénieur) il y a ça et ça à voir et j'allais jouer au golf. Jean-Pierre avait beau me menacer : si tu continues je vais m'occuper de la voiture de Tambay (son coéquiper), je me tirais, je voulais être pénard et évacuer de mon esprit la pression d'être champion du monde. » Plus facile à dire qu'à faire…
De plus un nouveau circuit attend les 30 pilotes de cette dernière épreuve. Un tracé pour lequel personne n'a la moindre référence, et qui serpente sur le parking de l'hôtel et casino Caesars Palace à Las Vegas « entre des blocs de béton, une folie ! », selon l'ingénieur responsable du bureau d'études Ligier de l'époque Michel Beaujon. Mais une folie apte à convoquer un beau spectacle, ce qui explique le choix des organisateurs. Apte aussi à mettre la résistance physique des pilotes à rude épreuve. Le tracé tourne en sens inverse des aiguilles d'une montre, une configuration rare et donc éprouvante sur le plan musculaire.
Au cours des qualifications, si Patrick Tambay tire son épingle du jeu et réalise le septième temps, Jacques Laffite doit se contenter du douzième. En cause un problème de motricité. Qu'à cela ne tienne ! Dès le premier tour Jacques Laffite s'empare de la septième place. Quelques tours plus tard il est cinquième et avant la mi-course deuxième derrière Alan Jones sur Williams. De son côté son coéquipier, au troisième tour après avoir été accroché par De Cesaris, a percuté un mur de pneus de plein fouet et de face. Un mur qui arrache tout l'avant de la #25. Plus de peur que de mal pour Patrick qui miraculeusement s'en tire avec quelques contusions. « Comme Michelin n'avait jamais tourné sur ce circuit ils n'étaient sûrs de rien, se souvient Jacques Laffite. Patrick devait s'arrêter pour vérifier la température des pneus et leur usure. Mais très vite il a eu un accident qui a emporté tout l'avant de la voiture. Moi j'étais perturbé. Je voulais de ses nouvelles car je voyais la voiture coupée en deux et j'ai dû continuer ma course. »
Et Jacques va continuer longtemps, trop longtemps, avant d'être rappelé dans les stands pour changer des pneus encrassés, ce qui fait dramatiquement chuter ses temps. « Il aurait fallu m'arrêter plusieurs tours avant, regrette Jacques, mais Guy ne voulait pas malgré l'avis de Jabouille et Michelin ! C'est que quand Guy disait : lève les bras, on levait les bras ! » Alain Prost et sa Renault à moteur turbo chaussé des mêmes pneus s'arrête au 33ème tour. Jacques au 52ème. L'affaire est close. Le rêve s'est envolé. Jacques Laffite ne sera pas champion du monde cette année. Il terminera sixième de l'épreuve et quatrième au championnat. Même résultat pour Ligier au championnat constructeur. Alan Jones remporte la course et Nelson Piquet et Brabham le championnat mais les Bleus une fois de plus ont frôlé l'exploit et fait vibrer la France.
Crédit photo : DPPI Images