Ligier JS11/15, un passé glorieux
A l'occasion de la 12ème édition du Grand Prix Historique de Monaco la Ligier JS11/15 retrouvait avec succès fin avril nombre de ses adversaires prestigieux d'il y a plus de 40 ans, Lotus, Tyrrell, Williams, Arrows. De quoi ranimer le passé glorieux de la plus titrée des Ligier F1. Le modèle qui aux mains de Jacques Laffite et Didier Pironi en 1980 a offert à la petite marque française sa plus belle place au Championnat du Monde des Constructeurs. Une deuxième place amplement méritée.
1980, les F1 à effet de sol sont à leur apogée. Ce système aérodynamique plaque les voitures au sol dans les courbes et leur permet d'atteindre des vitesses impressionnantes. La plupart des F1 de l'époque l'ont adopté et intègre un système de jupes sous la voiture. La JS11/15 en fait partie. Si elle reprend la coque de son ainée, la JS11, créée l'année précédente par Gérard Ducarouge et Michel Beaujon, les deux ingénieurs ont encore perfectionné la voiture. Elle est toujours équipée d'un moteur V8 Ford Cosworth DFV et de pneumatiques Goodyear.
A bord, deux pilotes français, aussi fougueux l'un que l'autre. Jacques Laffite sur la #26 et Didier Pironi sur la #25. La saison commence mal, par deux abandons en Argentine, pour problèmes moteurs. L'espoir renait au Grand Prix d'Afrique du Sud où Ligier renoue avec le podium. Laffite est sur la deuxième marche et Pironi sur la troisième. Mais il faut attendre le retour en Europe et le Grand Prix de Belgique pour voir la première victoire de la JS11/15 qui est aussi la première victoire en Grand Prix de Didier Pironi. Petite déception à Monaco malgré la deuxième place de Laffite. Alors qu'il survole la course, Pironi tape les glissières et doit abandonner. Les Bleus tournent la page et se préparent pour le Grand Prix de France au Castellet. « La course que tu veux absolument gagner, chez toi, dans ton pays, affirme Jacques Laffite, et c'est celle dont je garde le plus de regrets ! A qui la faute ? Manque de coordination entre les ingénieurs, mauvais choix de pneumatiques, ambiance tendue entre Guy et Didier qui va signer chez Ferrari ce qui met Guy hors de lui ? » Les bleus doivent se contenter à nouveau des deuxième et troisième places. Tout de même le meilleur résultat de Ligier au Grand Prix de France.
C'est à Hockenheim au Grand Prix d'Allemagne que Jacques Laffite monte sur la première marche du podium. Mais ce n'est pas un bon souvenir. Patrick Depailler a été victime d'un accident mortel aux essais préliminaires. Suivent seulement trois troisièmes places pour les deux pilotes. Avec un départ anticipé de Pironi au Grand Prix du Canada, même s'il n'est pas le seul à le commettre, il est le seul à écoper d'une pénalité qui le prive de la victoire. Dix podiums au total dont deux victoires qui ne suffiront malheureusement pas à réaliser le rêve des Bleus. Ligier est deuxième au Championnat du Monde des Constructeurs avec la JS11/15. Derrière Williams, mais devant Brabham. Un résultat brillant pour une « petite équipe » qui incarne la France dans le monde entier.
« On aurait pu, dû gagner, regrette Jacques Laffite. On a loupé des occasions. On formait pourtant une bonne équipe. Ducarouge était très astucieux, et en F1 à l'époque il fallait l'être ! Surtout quand tu n'avais pas un énorme budget. On était à peine une quinzaine en tout par voiture. Et on avait une très bonne voiture. On s'est beaucoup bagarré avec Didier que j'aimais beaucoup. C'était un très bon compagnon, très intelligent. Il était très vite. Il a placé la barre très haut ! »
En même temps que la Ligier JS11/15 cède la place en 1981 à la JS17, s'achève l'ère de la toute-puissance des « wing cars », ces voitures à effet de sol, qui vont petit à petit devoir s'effacer devant les voitures au puissant moteur turbo, encouragées par un règlement anti-jupes. Les budgets nécessaires ne sont plus les mêmes, l'époque des petites équipes et de l'artisanat se termine. L'année suivante Ligier se lancera dans la bataille en s'associant à Talbot et Matra.