Nouvelles énergies : Ligier enclenche la vitesse supérieure
De l'hydrogène gazeux à l'hydrogène liquide, en passant par les carburants de synthèse, le constructeur français est sur tous les fronts pour préparer le sport automobile de demain. L'objectif est clair : être un précurseur dans le domaine des nouvelles énergies pour assurer l'avenir du sport automobile ainsi que celui de la marque tricolore.
Entretien avec les deux figures de proue de l'innovation verte chez Ligier Automotive, Richard Tur, Directeur des Opérations et Julien Jehanne, Directeur du site d'Amilly spécialisé dans les concept cars, mulets et véhicules spéciaux.
1. Considérez-vous la Ligier JS2 RH2 comme un commencement ou un aboutissement dans le développement de Ligier Automotive ?
Richard Tur : « C'est tout d'abord un commencement, notre premier projet d'envergure dans les nouvelles énergies. Nous avons travaillé en synergie totale avec Bosch Engineering. Ce projet nous a permis de gagner rapidement en expertise et en crédibilité en proposant, dans un délai serré, bien plus qu'un démonstrateur, une véritable voiture de course prête à rouler. En cela, c'est également un aboutissement. »
Julien Jehanne : « D'un point de vue technique, nous avons développé un maximum de connaissances et compétences en un temps réduit. La Ligier JS2 RH2 nous a permis de nous lancer et de prendre le sujet des nouvelles énergies à bras le corps. »
2. Avez-vous travaillé sur d'autres véhicules à hydrogène ?
Richard Tur : « Dans la foulée de la Ligier JS2 RH2, nous avons eu la chance de travailler pour Alpine sur l'Alpenglow. Nous sommes partis de la base de notre sport-prototype LMP3.
« C'est une de nos forces chez Ligier Automotive. Nos voitures de course Ligier couvrent tout le spectre du sport automobile : de la monoplace aux sport-prototypes (et ce jusqu'au LMDh), en passant par le GT. Cela nous permet de répondre rapidement à des demandes de concept cars, véhicules spéciaux ou mulets, car nous pouvons piocher dans ce que nous connaissons déjà, afin de ne pas partir d'une feuille blanche pour intégrer de nouvelles technologies ou énergies dans un véhicule de démonstration. »
Julien Jehanne : « Avec l'Alpenglow, nous avons travaillé sur la conception du circuit hydrogène, le ‘hardware', sur le stockage de l'hydrogène et son refroidissement ainsi que sur l'intégration de ces différents éléments dans la base LMP3. »
3. La FIA a annoncé en février 2024 privilégier l'hydrogène liquide pour le sport automobile. Quel impact cette annonce a-t-elle eu sur les projets Ligier ?
Richard Tur : « Si nous continuons notre veille sur l'hydrogène gazeux, nous avons, dès cette annonce, enclenché des études sur des solutions pour intégrer l'hydrogène liquide dans des véhicules de compétition. Nous souhaitons pouvoir prochainement proposer un démonstrateur à hydrogène liquide.
« C'est un objectif certes ambitieux, mais pour répondre aux projets ambitieux de nos clients et aux attentes du sport automobile de demain, nous nous devons d'être ambitieux. Nous souhaitons nous positionner comme précurseur dans l'utilisation et l'intégration des nouvelles énergies.
« Nous sommes des architectes. Et notre expertise en tant qu'ancienne équipe de course, constructeur de châssis, motoriste et spécialiste de l'électronique, nous permet d'avoir un regard sur tous les éléments essentiels d'une voiture de course. Aujourd'hui, nous avançons nos pions, et nous réunissons les différentes pièces du puzzle. L'hydrogène liquide soulève de nombreux challenges technologiques que nous sommes prêts à relever. »
Julien Jehanne : « Nous avons lancé des études de conception sur le stockage de l'hydrogène liquide et sa distribution. L'hydrogène liquide est principalement utilisé dans l'industrie pour des applications statiques ou dans le domaine aérospatial. Un des éléments critiques pour intégrer l'hydrogène liquide est le pompage cryogénique. Les conditions d'utilisation et d'intégration à bord d'un véhicule de compétition sont en effet très contraignantes et imposent le développement de solutions innovantes sur lesquelles nous travaillons activement. Il n'existe aujourd'hui pas de solutions sur étagère pour l'hydrogène liquide.
« Nous avons consulté de nombreux fournisseurs et réalisé un mapping des solutions techniques à mettre en œuvre. Avec notre capacité d'usinage et de mécano-soudure à Magny-Cours et Amilly, nous n'excluons d'ailleurs pas de fabriquer certains éléments importants du système en interne et de les proposer en petites séries à d'autres constructeurs. »
4. Travaillez-vous sur d'autres axes de développement ?
Julien Jehanne : « Nous avançons avec nos partenaires sur des solutions de stockage alternatives. La haute pression (700bars) est actuellement le frein principal à l'intégration de l'hydrogène gazeux dans les véhicules de compétition.
« Nous avons également lancé plusieurs campagnes d'essais pour tester l'utilisation de carburants de synthèse dans nos véhicules Ligier notamment. »
Richard Tur : « Nous n'écartons aucune piste et sommes soucieux de l'avenir du sport automobile. C'est important pour nous d'avoir une vision à long terme et d'assurer notre place d'acteur du sport automobile de demain. »