24 Heures du Mans 1975, Ligier frappe fort.
Encore un mois de juin sans 24 Heures du Mans. Pandémie oblige, l'épreuve est décalée aux 21 et 22 août. En attendant l'été, revivons les 14 et 15 juin 1975 et la deuxième place de Ligier au classement général de l'épreuve reine de l'endurance.
C'est la JS2 qui défend les couleurs du constructeur français sur les terres mancelles. Dérivée de la JS1 mais modèle de série cette fois, la GT a fait sa véritable entrée en scène en 1972. Au fil des saisons et des remaniements opérés par Michel Beaujon qui a succédé à Michel Têtu, elle fait ses preuves sur le plan sportif, notamment aux Tours de France Automobile, mais n'a pas accroché un résultat satisfaisant aux prestigieuses 24 Heures du Mans.
Cette année-là sur la piste, 60 voitures se pressent et trois Ligier JS2 sont prêtes à affronter les Mirage, Porsche et autres Ferrari. Deux Ligier sont équipées du moteur Ford Cosworth DFV, et une du moteur Maserati V6. Au volant, trois tandems de pilotes aguerris. Jean-Louis Lafosse et Guy Chasseuil sur la #5, Henri Pescarolo et François Migault sur la #6 et les deux Jean-Pierre, Beltoise et Jarier, sur la #97, la seule à moteur Maserati. Mais l'équipe n'est pas sereine. La #97 est beaucoup plus lourde que ses rivales. Quant aux deux autres voitures équipées du moteur Ford, Michel Beaujon se souvient : « Tout le monde nous disait qu'on était fou de mettre un Cosworth dans une voiture fermée. Quand Guy avait appelé Chasseuil pour lui proposer Le Mans, celui-ci avait répondu oui à condition d'avoir le Maserati ! C'est bête lui avait répondu Guy parce que c'est le Cosworth que tu as ! Il avait confiance. Il m'avait dit : si on fait quelque chose ce sera avec le Cosworth. » Guy Ligier avait raison ! La #97 doit abandonner très vite et la 6 peu après la mi-course. Seule la JS2 numéro 5 à moteur Cosworth franchira la ligne d'arrivée. « Pourtant un des problèmes du Cosworth, c'était les vibrations, précise Michel Beaujon. À tel point qu'en mettant une pièce sur le toit quand on faisait simplement chauffer la voiture, on avait l'impression que la pièce ne touchait pas la voiture, tellement les vibrations la faisait décoller. Alors on a tenté d'envisager tout ce qui pouvait tomber avec les vibrations et de consolider au mieux. Et on n'a rien cassé. » Mieux ! Le duo Chasseuil/Lafosse termine à la deuxième place du général, à seulement un tour de la Mirage GR8 de Derek Bell et Jacky Ickx.
« On est passé tout près de la victoire, regrette l'ingénieur Ligier. On a fait un excès de prudence. Chasseuil s'arrête très tôt au stand en disant que le manomètre indique qu'il n'y a plus de pression d'huile. On aurait dû réagir et lui dire : tu oublies le manomètre et tu ressors. Parce qu'un Cosworth qui n'a plus de pression d'huile il fait quelques mètres et il explose. Au lieu de ça on a perdu deux tours à chercher d'où pouvait venir le problème avant de se résoudre à le laisser repartir, et le lendemain il nous manque un tour. On aurait gagné… »
Une victoire aurait-elle perpétué l'engagement de Ligier en endurance ? Rien n'est moins sûr. Les jeux étaient déjà faits. Fort du soutien des anciens de l'équipe Matra et de la Seita, Ligier regardait déjà du côté de la Formule 1.
Mais l'épopée Ligier en endurance ne s'est pas arrêtée là. Et 39 ans plus tard, en 2014, pour sa première participation à cette compétition une nouvelle Ligier prenait le relais de la JS2, un sport-prototype cette fois, la Ligier JS P2 : elle terminait deuxième de la catégorie LMP2 aux 24 Heures du Mans et entamait ainsi une brillante carrière !
Crédit photo : DPPI Images