LA LIGIER JS3, UNE VOITURE UNIQUE À PLUS D’UN TITRE.

Dans l'histoire de la marque des « Bleus », la Ligier JS3 est la seule voiture, pensée et fabriquée pour une seule course, les 24 Heures du Mans. Et elle n'existera dans sa courte vie qu'à un seul exemplaire.

Là où le monde de l'endurance attendait la JS2, qui devait succéder à la JS1, il se voit présenté à Vichy le 15 mars 1971 dans les ateliers Ligier une ambitieuse barquette biplace. Un choix stratégique sans doute, mais aussi un choix soumis à un autre impératif : la JS2 n'est pas encore prête à entrer dans le bal. Cosworth a tardé à livrer le moteur initialement prévu et c'est un V6 Maserati qui devra équiper la nouvelle GT. Mais chez Ligier, comme l'histoire le prouvera à plusieurs reprises, on sait rebondir.

L'ingénieur Michel Têtu a en effet développé en parallèle une voiture d'un caractère radicalement différent, un prototype ouvert conçu uniquement pour la compétition, un châssis remarquable par la sobriété de ses lignes qu'accentue la livrée jaune et vert du sponsor principal BP.

Cette JS3 est propulsée par un Ford Cosworth DFV V8 de 2993 cc. Un moteur plus habitué aux F1 qui fait quasiment ses débuts en endurance.

L'objectif affiché est les 24 Heures du Mans et c'est pour la journée d'essais préliminaires les 17 et 18 avril que la JS3 se confronte pour la première fois à ses redoutables adversaires, Porsche, Ferrari, Alfa Romeo et Matra. Avec succès : douzième chrono le samedi et sixième le dimanche, et meilleur temps dans sa catégorie 3 litres. Ce qui est largement suffisant pour la qualifier pour l'épreuve sarthoise. Le week-end se termine en beauté. La JS3 n°32, pilotée par le patron lui-même, passe la ligne d'arrivée de la course de 3 heures qui anime ces essais en deuxième position ! Derrière une Porsche 908 !

L'optimisme est toujours de rigueur une semaine plus tard lorsque Guy Ligier remporte la victoire à Montlhéry pour la Coupe de Printemps. Mais pour sa deuxième participation aux 24 Heures du Mans Ligier ne termine pas la course. Patrick Depailler et Guy Ligier malgré une magnifique cinquième position à la 18ème heure sont stoppés dans leur élan par un problème de boîte de vitesses. Ils reprennent la piste après presque quatre heures d'arrêt aux stands. S'ils franchissent la ligne d'arrivée, ils ne seront pas classés. Avec 270 tours seulement, la JS3 n'a pas accompli le minimum de tours requis. Elle est cependant la seule de sa catégorie et la seule voiture française à passer le drapeau à damier. Sous les ovations du public. La JS3 ne sera pas récompensée pour ces belles performances. Ces 24 Heures du Mans signeront sa dernière course. Elle sera abandonnée au profit l'année suivante de la JS2, destinée à la fois à la compétition et à la route.

Il faudra attendre les compétitions de véhicules historiques pour que la JS3 retrouve le chemin des circuits. Et tout naturellement celui pour lequel elle avait été conçue au cours de l'épreuve Le Mans Classic dès 2004. En 2010 c'est Jacques Nicolet et le propriétaire de l'époque de la barquette jaune et verte Jean-Marc Luco qui gagnent la première manche de leur plateau.

Un beau souvenir pour Jacques Nicolet, un souvenir émouvant aussi :

« Cette barquette, c'est la voiture à l'état brut ! Pas de direction assistée, pas d'ABS, pas de traction control, aucune assistance à la conduite. Des sensations extrêmes, mais une tenue de route efficace, pas de décrochage brutal. Très légère et avec ça très rapide ! Elle n'a pas à rougir face aux voitures modernes. J'ai tourné en 4'04 au Mans Classic alors que notre Ligier JS P2 en 2014 tournait en 3'56 ! En 2010 ça m'a valu un appel de Guy. Il était heureux et il voulait qu'on fasse des voitures de courses ensemble ! ».

Ce sera chose faite en 2014, lorsque Guy Ligier transmettra la marque de sport automobile à Jacques Nicolet et que naitra la Ligier JS P2…